Contrefaçon

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Plus personne ne peut ignorer aujourd'hui, tant je prends de soin à le faire savoir, que le rêve de ma vie, ma mauvaise foi aidant, eût été d'exercer la professions d'avocat. Ah si ! Surtout lorsque je tombe sur une cause pareille : mon client est un Chinois, et il est fabriquant de sacs contrefaits de grandes marques occidentales made in China (Vuitton). Son entreprise a été fermée, sa marchandise saisie et lui risque gros. Le gouvernement chinois, très conscient que si la Chine ruine d'entrée sa réputation en exportant des merdouilles, des mer... des nids d'hirondelle***, elle ruine du même coup ses chances d'attaquer des marchés plus sérieux. Evidemment, la Chine c'est loin pour aller plaider, mais lorsqu'on est un avocat intègre et épris de son métier, on ne compte pas les bornes. Et même on les dépasse.

« Monsieur le juge, messieurs les jurés, votre temps est précieux, le mien aussi, et celui de mon client compté. Alors je ne vais pas vous jouer du violon, j'irai droit au but. Mon client est accusé d'avoir fabriqué des contrefaçons de sacs de luxe made in China (Vuitton) et Monsieur l'accusateur public demande sa tête sous ce motif futile. Oui, futile, et j'en apporte la preuve. Si Monsieur le greffier veut bien justement introduire la preuve de ce que j'avance… Merci Monsieur le greffier... Pardon…? Ah excusez mon interprète Monsieur le juge, je n'ai pas dit Monsieur le Chat mais Monsieur le Greffier. Oui, en effet, c'est une horrible méprise. Donc, avant d'exhiber devant vos yeux ébahis la preuve que je détiens dans cette boîte, je vous explique comment elle est arrivée là : J'ai acheté l'un de ces sacs de contrefaçon de grande marque made in China (Vuitton). Non Monsieur le juge, je ne fais pas de contrebande, seulement une expérience dont vous verrez sous peu l'étonnant résultat. J'ai donc placé à l'intérieur de ce sac de dame les objets usuels que peut contenir un sac de dame : rouge à lèvres, fard à paupières, enfin en gros, ce que je crois être le contenu d'un sac de dame car pour ma part je me suis toujours refusé à aller chercher quoi que ce soit dans le sac de la mienne tellement c'est le foutoir la-dedans et rempli de petites mer... hirondelles, et de trucs dont je ne voudrais même pas dans mon atelier de bricoleur. Vous non plus monsieur le juge... Comme je vous comprends. Et j'ai alors entrepris de me balader dans Pékin avec mon sac de dame, dans les rues, dans le métro, en faisant des effets gracieux de sac de dame, de ci, de là, shopping et lèche-vitrine, pour voir un peu ce que cela pourrait donner de se balader avec un sac de contrefaçon de grande marque made in China. Eh bien ce sac, acheté à dix heures du matin, a tenu jusqu'à midi, pas une plombe de plus. Et pourtant Monsieur le juge, je vous assure que je suis la tendresse même. Surtout lorsque je me livre à des essais gracieux de sac de dame. J'ai failli même avoir des ennuis. Eh bien Monsieur le juge, voilà le résultat. (Et d'un geste d'opéra, ta tata..., j'extrais de la boîte mon immondice. Effet garanti).

Hé oui ! Non, ce n'est pas une serpillière Monsieur le juge. Je vous mets au défi... pardon, je mets au défi le greffier, le chat... enfin la personne, là, de serpillier quoi que ce soit avec cette chose. A laquelle j'ai pris soin de conserver ses étiquettes d'origine en dépit qu'elle n'ait plus figure humaine. Essayez seulement de l'essorer et il vous reste de la pâte à papier entre les doigts. Le contenu du sac Monsieur le juge...? Mais vous rigolez ou quoi ! Pire que les bottines à ma fille ! Plus le moindre contenu, éparpillé, disséminé dans les rues ! Décousu mon vieux, que même un porte-avions chinois serait passé à travers !

Et on voudrait nous faire croire que ce machin-là puisse faire concurrence à un vrai sac de marque Vuitton, made de fabrication n'importe où sauf in China ? Ah ah, alors là je ris... Ah ah je ris Monsieur le juge...voyez, je ris. Je me tape la cuisse. Elle est trop bonne celle-là, concurrencer un sac Vuitton, tenez même Monsieur le Chat rigole tellement c'est rigolo. Même l'interprète dis donc se fend la poire. Non mais... Non mais... Regardez mon client ah ah... qui pourtant risque sa tête... il est mort de rire. Ah ah... lol... mdr..., un Vuitton ! Ah ah, oh putain j'ai mal aux côtes. Non déconnez pas les mecs, arrêtez de vous marrer quoi messieurs les jurés... Arrêtez Monsieur le juge quoi merde hirondelle, remettez-vous dans votre fauteuil ah ha... sinon on va pas s'en sortir. Votre dentier, là, oui. Oh oh la vache, j'ai jamais tant ri... Oh oh... oh oh la serpillière... oh oh, quand je vais dire ça chez Vuitton... hou hou ils voudront en acheter un aussi....ah ah pour se marrer... Ah oui...ah oui, Monsieur le juge, j'allais vous en prier.... suspension de séance... Non, je ne peux même plus continuer ma plaidoirie. C'est ça, à demain, Monsieur le juge oh oh... »

Je n'arrive jamais à raconter cette histoire jusqu'au bout...oh oh … désolé... c'est pour ça qu'elle est si courte... Ah ah ! Rien que de lire le titre... Contrefaçon, oh oh...

*Je m'auto-censure : je remplace "merde" par "hirondelle.

L'humour est la respiration du sérieux, 

il signe notre supériorité sur la pesanteur du réel. (Trouvé dans le caniveau).

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