Overblog
Editer la page Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
avistodenas.over-blog.com

Faim.

Faim


Je viens d'inventer un nouvel interdit : l'interdit gastronomique. Quoi, vous croyez que je ne suis pas capable d'inventer un interdit ? Si, et même les doigts dans le nez, en faisant le poirier. Comme n'importe quel fasciste. Tout le monde est capable d'inventer un nouvel interdit. C'est bien simple :


Des gens, dans le monde, souffrent de la faim. Mais ils ont la télé bien souvent. Et que voient-ils dans leur télé ? Des occidentaux qui se gavent, pour Pâques (dites, je sais de quoi je parle : hier encore, réunion de famille, et agapes à tout casser, qu'après seulement les amuse-bouche je pourrais repartir au boulot avec entrain. Comment et par où absorber l'abondance de plats qui se succédaient, dont le foie gras, l'agneau pascal avec les fayots à la louche, et j'en passe un bon paquet même que la maîtresse de maison - qui se trouve être ma belle-soeur –  en était si consciente qu'elle servit en plein mitan du repas un sorbet, ma chère, à la pomme verte dans un friselis de liqueur de kirsch pour rafraîchir un peu les estomacs surmenés, pensez donc, par ce gavage programmé et les sauver d'un burn-out que pour ma part j'avais atteint avant même de m'attabler, gueuletons dont ces occidentaux s'empiffrent à la face du monde affamé comme une gifle en pleine figure de ceux à qui on envoie des sacs de riz à la gueule. Quoi c'est pas vrai ? Dites-moi que ce n'est pas vrai. Zut, j'ai oublié de fermer ma parenthèse et d'ailleurs le repas fut si copieux que la parenthèse ne ferme plus tant elle comprime les bedaines. Ce sera donc une première dans l'histoire de la littérature gastronomique qu'une parenthèse ne se refermera pas. Et en plus on s'en fout.


Ah je sais ! C'est violent ! C'est une violence faite au monde, et pas qu'à Marie et pas qu'aux femmes. Mais puisque nous en sommes à nous culpabiliser à mort (surtout en vue de culpabiliser le voisin ou l'adversaire de classe, dans notre soudaine « conscientisation » des interdits susceptibles de causer le moindre chagrin et de donner lieu à des millions de recours en justice pour incitation à toutes sortes de choses), il est inadmissible de présenter des émissions culinaires de chefs archi-étoilés qui seront captées sous des latitudes affamées et remplies de dents n'ayant rien à se mettre entre. Quoi, n'ai-je  pas raison ? Vous imaginez la tête de ceux qui salivent rien qu'à voir la couleur des sauces dont nous faisons pourtant un usage homéopathique pour la simple raison que la pleine marmite qui les contient en cuisine nous donnerait des hauts-le-coeur par surabondance, et qui n'ont eux que quelques racines mêlées de glaise pour faire liant, à se mettre en jabot ? C'est pas une injure, ça ? Et des plus violentes car elles touchent à l'estomac ?


Donc j'ai inventé un nouvel interdit que je mettrai en application sitôt élu à la fonction suprême. D'abord, les émissions culinaires susceptibles de porter atteinte à la sensibilité des personnes sous-alimentées devront être signalées en bas d'écran par un logo représentant par exemple – mais je laisse le choix de la version définitive à mes ministres de la pensée correcte – un estomac en forme de chaussette trouée, barré d'un sens interdit aussi impérieux qu'accusateur.
Ensuite la mise en place sur tout le territoire français d'un rationnement les jours d'agapes prenant en compte le besoin alimentaire maximal d'un brave homme un jour férié c'est à dire chômé, à charge pour les préfets dans les limites des attributions qui leur incombent de faire respecter les termes du présent décret en faisant passer tout le monde sur la bascule avant et après les gobichons. Allez hop.


On ne rigole pas avec ça. Dire d'un athlète noir qu'il est noir et athlétique ou d'un fier asiate qu'il a le regard bridé est déjà assez éprouvant comme cela sans y ajouter l'injure nutritionnelle et gastronomique.


Terminés ces spectacles immondes de goinfres empiffreurs de boustifaille diffusés plein écran vingt mille pouces devant les faméliques de la terre privés jusqu'à l'inanition, salivant leurs tripes et boyaux à la vue des chapons dodus et dodelinants dont nous nous repaissons à la plus petite occasion. Interdites ces ripailleuses bombances d'obèses bambocheurs  qui donneraient à n'importe quel abstinent de la mâchelière l'envie de nous flanquer dans un chaudron bouillant avec suprême luxe des petits oignons revenus dans l'huile d'olive. Ah mes gueux, vous avez aimé Badinter et sa tirade sur la peine de mort, vous allez adorer Avistodenas et ses malédictions gastronomiques !


Et je ne parle pas des boissons ! Attendez, je reviens.

 

L'humour est la respiration du sérieux, 

il signe notre supériorité sur la pesanteur du réel. (Trouvé dans le caniveau).

http://avistodenas.over-blog.com/   

Partager cette page
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :