Visionnaire.

Visionnaire.

"Pantone avait choisi Greenery, un vert printanier, l'an dernier. La société spécialiste de la couleur a sélectionné l'ultra-violer comme coloris de l'année 2018. Ce pourpre, N° 18-3838 du nuancier, est synonyme "d'originalité, d'ingéniosité et de pensée visionnaire qui propulse vers l'avenir", selon Leatrice Eiseman, directrice du Pantone Color Institute. Mélange de bleu et de rouge, cette couleur se marie avec les tonalités naturelles comme l'argile, le beige, le gris clair, le blanc...."

Je vous le recopie tel quel. Ah bon !!??  Mais-qu'est-ce-que-c'est-que-ci que cette couleur inédite qui signe une pensée visionnaire qui propulse vers l'avenir  ...?

Hé bien c'est extrait du Journal Rustica, que j'affectionne en particulier, la preuve : j'y suis abonné, dans son numéro du 2 au 8 Février 2018. Vérifiez ! Avistodenas ne vous vend pas de la fake. Ooooh non !

Mais de quoi s'agit-il au juste, qui soit peint à cette couleur extraordinaire et qui signe une pensée visionnaire qui propulse vers l'avenir...? (Je ne m'en lasse pas).

De fleurs, bien sûr, puisque c'est sur Rustica, le magazine que j'affectionne particulièrement (il faut bien lui faire un peu de publicité discrète).

Eh bien, laissez-moi vous dire : il y a un peu que les fleurs de mon jardin signent une pensée visionnaire qui propulse vers l'avenir. Je crois profiter de bon nombre de mélanges de bleu et de rouge, de parme et de violet, d'ultra-violet même, que la nature - ou l'ingéniosité des horticulteurs - puissent imaginer : Des hortensias bleus pétrole, une teinte divine, mais aussi tous les dégradés de bleu au rouge, des lilas de même, mais allant du parme au blanc avec toutes leurs nuances intermédiaires, bref, je ne vais pas vous faire tout le catalogue Baumaux, vous n'avez pas le temps. 

Ainsi, me voilà propulsé au statut de jardinier "qui signe une pensée visionnaire qui propulse vers l'avenir. ( Je ne parviens pas à m'en lasser. Oui c'est sûr, on me reproche instamment d'user de répétitions fatigantes, mais moi, je ne fatigue jamais lorsque quelque chose titille mon imaginaire : je matraque, je bétonne, j'appesantis, j'acharne, bref, je bastonne).

Non mais sérieux, quelle époque ! Est-on vraiment tenu d'user d'un vocabulaire nietzschéen - visionnaire, avenir - pour parler d'une simple teinte de fleurs !!!???  Le chaland est-il devenu si lourdaud qu'il faille lui parler des choses les plus simples et gracieuses du monde sans convoquer la philosophie la plus mastoc et pachydermique, la cuistrerie la plus sommaire pour décrire des fleurs, certes somptueuses parfois, mais qui s'accommoderaient bien mieux d'analogies ou de métaphores graciles et délicates ? 

Tiens, j'en boufferais mon chapeau de rage !

Mais je n'en veux pas, allons, à Rustica. Qui reste mon moment de calme et de félicité dans ce monde de brutasses publicitaires. Qui je vous le signale, bastonnent encore plus que moi. Non ...? C'est pas vrai...? Quoique... (J'aime bien quoiquer...)

Mais enfin, ne peut-on parler simplement des choses sans convoquer tous les superlatifs hyperboliques, les références aux langages ésotériques, les analogies démentielles, les métaphores conceptuelles les plus déjantées, dans des articles qui visent seulement à informer, au point que même la politique s'y mette... ?

La propension à nous prendre pour des jambons braisés atteint un tel niveau que "la pensée visionnaire qui propulse vers l'avenir" veut faire du moindre chien écrasé des Marches Blanches, des extinctions de tour Eiffel, des lâchers de ballons qui finiront en mer à gaver des tortues, des brasiers de pneus fumants comme l'enfer, polluant jusqu'à la propulsion de l'avenir visionnaire à nous détraquer les pendules...

Assez de ces intellectuels qui se prennent pour le sel de la terre, assez de ces énervés du bulbe qui se ruent sur la pataphysique, cette science des solutions imaginaires, assez de ces publicités délirantes dont on n'aperçoit même plus la finalité... 

Tous ces déjantages, ces sorties de route, ne sont bons que pour  l'usage personnel d'Avistodénas, cet autre moi-même, ce grand malade que chacun sait ne pas devoir prendre au sérieux. 

L'avenir visionnaire pour une rose violette... J'te jure... !

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L'humour est la respiration du sérieux, 

il signe notre supériorité sur la pesanteur du réel. (Trouvé dans le caniveau).

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