Moqueur.

Moqueur.

Pourquoi ne me moqué-je jamais des riches, des banques, des patrons, des gouvernements, de tous ceux enfin qui nous empestouillent la vie et pour faire bref, de ceux que l'on brocarde toujours volontiers. Parce qu'il y a un tas de gens qui le font bien mieux que moi. Voilà pourquoi. C'est la seule raison. En revanche j'adore moquer les moqueurs... Parce que ça, personne ne le fait. Pourtant, on ne se moque jamais assez de ces moqueurs-critiqueurs-là. De tous ceux qui ont la moquerie plus facile que l'effort ou le talent. "La moquerie est la fumée des coeurs petits". Personne ne les persifle, ces persifleurs. Moi si, je me moque. Parce que je suis un mauvais coucheur. Et cela finit toujours très mal pour moi, bien sûr. Vous pouvez être assurés que si tout le monde fait quelque chose, vous trouverez toujours Avistodenas à faire autrement. C'est mon esthétique et ma coquetterie. Faut reconnaître, ça ne rend pas sympathique. Mais comme je n'ai pour moi-même qu'une sympathie mesurée, sur la réserve, cela évite bien sûr le trou narcissique, la schizophrénie : je suis un, entier. Nuancé mais entier. Et ça peut me mener loin. Aux pires ennuis avec soi-même. Une parenthèse, tiens . Vous êtes en train de vous dire : ce putain d'Avisto, il dit qu'il n'est pas narcissique, mais il parle tout le temps de lui, comme s'il n'y avait que lui et les merles... Hé bien c'est là mon secret : tant que je parle de moi, je ne dis pas de mal des autres. Enfin le moins possible. Car dès que l'on parle des autres, on dit des conneries. Bref, je suis moqueur, mais vous allez voir comment ça vire en quenelle.

Bon, je ne passe pas non plus ma vie à me moquer. Il y a le jardin ! D'autant que si je me moque d'autrui, c'est de moi-même que je me moque puisque je suis l'autrui d'autrui. Mais quand je me moque de l'autrui qui est en moi, j'évite de prendre la mouche trop vite. Sinon je serais toujours en train de me foutre sur la gueule à moi-même. Ca ne serait pas une vie. Et puis, ma femme rentrant le soir : "Qu'est-ce que c'est que ce coquard ! - Je me suis foutu sur la gueule à moi-même. - Ben pourquoi ? - Parce que je me foutais de ma gueule. - Ah bon, quand tu te fous de ta gueule tu te fous sur la gueule maintenant ? Il est temps que tu fasses une analyse d'urines, tu sais. T'as peut-être un caillot. - Non mais vois-tu, ça me fait du bien de me moquer de l'autrui qui est en moi, cela me dédramatise. - Je pense bien, tu es en effet dramatique ! - Ah ! tu avais remarqué, aussi ! "

Mais au fait, pourquoi est-ce que, me moquant de moi-même, je me moque d'autrui...! Ou l'inverse, je ne sais plus... Ah oui, parce que tout le monde se moque toujours des mêmes, les riches, les banques, les patrons, les gouvernements...mais c'est tellement récurrent que ce n'est pas sérieux. Donc je me moque. Non mais vous croyez sérieux de se moquer des gens à la place desquels on ferait la même chose si on était eux ? Attends, c'est un peu compliqué, je te la fais plus simple : si au lieu de m'appeler Avisto, je m'étais appelé, voyons, au hasard, Bernard Arnault ! Eh bien j'aurais fait exactement ce que fait Bernard Arnault (en moins doué, attention, mais c'est le principe qui compte). Donc, de mon point de vue, il a raison de faire ce qu'il fait quoi qu'il fasse. Le flic, il a raison de faire ce qu'il fait ! J'aurais fait pareil, non pas à sa place, mais si j'étais lui. Parce que non, si j'étais à sa place en tant qu'Avisto, j'agirais en tant qu'Avisto. C'est bien pourquoi il vaut mieux que je ne sois pas flic. Reste qu'il a raison de faire ce qu'il fait étant donné qu'Avisto n'est pas la mesure de toute chose. Le flic non plus ? Mais si on va par là, si on devait agir comme si on était la mesure de toute chose, c'est à dire tout un chacun, on passerait son temps à se foutre sur la gueule à soi-même. Remarquez, cela apporterait peut-être un calme relatif. Pas besoin d'aller se chercher bien loin pour se trouver, on s'a sous la main. On peut même régler cela seul à seul.

Comment ça, c'est pas logique ce que je dis ! Ah mais pardon, vous êtes vous déjà amusé à être Bernard Arnault ? Vous manquez d'empathie...? Alors ne dites pas que ce que je dis n'est pas logique, vous n'avez même pas fait l'effort d'incarnation. Il faut tout de même se mettre dans la peau d'une personne, avant de se la moquer. Car se moquer de quelqu'un sans avoir pris la peine de se mettre à sa place, c'est petit et injuste. Aussi bien à la place de Bernard Arnault que du sdf qui se pèle de froid. Ils n'ont pas les mêmes problèmes, évidemment. Chacun les siens. Vous ne voudriez tout de même pas cumuler les inconvénients. Et si l'on se moque du personnage dans la peau duquel on est, on se prend un pain. Normal. Essayez de vous moquer de quelqu'un : vous mangez une mandale. Moquez-vous de quelqu'un en vous mettant à sa place : même tarif, mandale. C'est logique. Ou alors c'est que vous trichez. Vous ne vous mettez pas réellement à sa place. Or moi je suis honnête, je m'y mets. C'est pourquoi je ne me moque que des moqueurs car ils sont injustes. Or je ne supporte pas l'injustice. Moi c'est celle-là qui me fait mettre en pétard.

Récapitulons, car ça devient chaud : je me moque du moqueur qui est en moi qui se moque des gens se moquant de ceux à la place desquels ils feraient la même chose s'ils étaient eux. Oh... chantier ! Quand ma femme rentre, qu'est-ce que je me suis pris comme peignée, de tous ces gens que je moque ! C'est plus fort que moi, il faut toujours que je cherche lanlaire ! Un jour elle va me trouver agonisant. "Mais tu te moquais de qui cette fois, ils étaient nombreux ? On ne peut pas te laisser seul deux minutes sans que tu déclenches une émeute !". Ah elle a bien de la patience, ma femme...

L'humour est la respiration du sérieux, 

il signe notre supériorité sur la pesanteur du réel. (Trouvé dans le caniveau).

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