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Vélo.

Vélo.

Vous l'aurez certainement remarqué, on a tous un petit vélo dans la tête. Chacun le sien. Chacun sa marotte. Moi aussi bien sûr. Moi peut-être plus.
Ma marotte à moi, enfin une de mes marottes, c'est les casseurs. Comprenez-moi, avant de me jeter des cailloux : j'ai passé ma vie à construire. De toutes les façons possibles, y compris truelle en main. L'un de mes dictons préférés ? "Si tu jettes une pierre à un juif, il la ramasse pour bâtir sa maison". C'est dire que lorsque je vois détruire - quoi que ce soit - j'ai le coeur qui saigne.
Un simple pavé. Lorsque je vois démolir un simple pavé, je pense d'abord à celui qui l'a posé. Ce n'est pas rien, un simple pavé. C'est l'intervention du romain qui a eu l'idée de percer une route, de celui qui a débité les pierres avec sa martelette, qui les a transportées, de celui qui les a posées, et pas n'importe comment, avec le plus grand soin pour éviter les cahots. On serait quoi, sans les bâtisseurs qui nous ont précédé, voulez-vous bien me le dire ? Des pongidés grimaçants. Enfin quoi, ne me dites pas que tout cet ouvrage, aussi modeste et mineur soit-il, ne mérite pas d'être respecté, si on y pense deux secondes. C'est de la sueur. De la fatigue. De la pensée même, tiens, n'ayons pas peur des mots. Lorsque je vois un type en sueur sur son ouvrage, j'ai envie de l'aider. C'est mon frère. Respect. Pas pour celui qui casse. Car voilà qu'une bande de petits cons se mettent à casser, des petits cons qui n'ont encore jamais rien fait de leurs dix doigts que de se branler (oh pardon je deviens grossier ! Mais c'est que ça m'éreinte tout ça, m'échauffe la bile).
Ah mais ma marotte, c'est radical ! Ca m'a pris en 68. Quand je voyais dépaver Paris. Oh dé djous dé djous dé djous que ça me faisait mal aux tripes de voir ça ! Cà m'a définitivement ancré dans le camp opposé. Des types qui font ça ne peuvent pas avoir raison. Jamais. Quel que soit le motif. Sous aucun prétexte. Je les assimile à ceux qui profanent des tombes. Le travail humain c'est sacré. Et tout cela, juste pour dénoncer la société de consommation (on sait ce qu'il en est advenu : ces mêmes soixante huitards consomment comme des branques y a qu'à voir la bedaine à Cohn Bendit et la plupart des autres), et pour exiger la liberté sexuelle (je suis pour, mais je ne suis pas non plus un bonobo ! Je ne suis pas un garçon facile !) On pouvait faire tout cela, et même mieux, sans casser non ? On peut encore faire sans brûler non ? On dirait que la barbarie gagne du terrain à mesure que le discours se fait humaniste. Le discours humaniste ? C'est ce qui civilise la société en même temps qu'il la corrompt : c'est un permis de casser en bonne et due forme pour tous les arrache-clou incapables du moindre effort sur eux-mêmes. Même pas foutus de se lever le matin.
Que l'on démolisse pour cause de vétusté dans le dessein de reconstruire du neuf, d'accord. Et encore se doit-on de récupérer les matériaux réutilisables. Enfin c'est ce que l'on fait quand on a deux sous de jugeotte. Mais la jugeotte, hein ! Enfin je me comprends. Non mais regardez-les ces abrutis de casseurs. Et si on leur cassait leur mob. Ou leur baraque. Ou leurs dents. Je veux bien admettre qu'ils sont à plaindre, qu'ils ont aussi la haine. Mais avec la haine on construit quoi ? Rien. Alors les plaindre d'accord, mais cela n'exempte pas du coup de pied occulte. Parce que ce qu'ils saccagent, là, c'est avant tout leur propre vie. Ils n'apprennent rien. C'est tellement facile, de brailler l'injustice du monde. Tiens, je peux le faire, là, tout de suite. Ooooooaaahhh ! le monde est injuste. Ooooooaaaahhhh! Et en équilibre sur un pied et deux doigts dans le nez encore, tu vois. Mais cela demande quelle compétence ? Aucune. Ces gars-là sont moins utiles à la société que celui qui aide comme il peut un type dans le besoin. Discours de droite la plus conservatrice et réactionnaire ?  Et ça, c'est pas facile ? Quatre mots à apprendre par coeur, pas plus. Tu parles d'une humanité ! Ah c'est plus facile que d'apprendre un métier. Apprends à faire du pain povcon, tu t'en sortiras n'importe où dans le monde. "Mais je cherche pas à m'en sortir, je cherche à aider mon prochain !" Ah oui ? Et avec quoi? Avec ta nullité ? Eh bé il est bien parti ton prochain ! Tu vas lui apprendre quoi ? Quatre mots ? Ah tu vois loin, toi. Tu vois les choses de haut pas vrai ? Tu es encore un citoyen du monde toi, non ? Parce que tu baragouines trois langues ? Tu es de partout et de toujours ? Moi je suis d'ici et maintenant. Et même retraité, je bâtis. Je plante. Je te ferai dire.
Bon ça va, on aura compris, j'aime pas voir casser. C'est ma révolution à moi. Je suis un révolutionnaire. Mais ma révolution à moi, elle a commencé avec l'aube de l'humanité. On appelle ça "Révolution industrieuse" : Apprends et progresse. Mais apprends d'abord. Sinon tu n'inventeras rien. Qui ne soit déjà inventé. Tu crois inventer quelque chose en cassant ? Même un volcan peut tout casser mieux que toi. Tu crois qu'il est intelligent le volcan ? Non, c'est juste un pet de la nature. Quand tu casses, tu n'es qu'un pet. Et tu te dissoudras comme un vieux pet. Tu n'auras été utile à rien ni personne. C'est comme si tu n'étais même pas passé sur terre.
"Et toi Avisto, grande gueule, tu le changes le monde ?" Et comment ! Je crois bien l'avoir changé pour quelques-uns mais surtout écoute celle-là : pas plus tard que tout à l'heure, y a un gars qui vient de me dire trois fois merci pour mes texticules. Trois fois merci. C'est moins que mille fois mais tout de même! C'est que ça lui égaye un peu la vie, non ? Eh bien tu me croiras pas, mais ça me fait vachement plaisir, je me sens utile à quelque chose, là, en direct, ici et maintenant. T'as qu'à chercher ta voie et tu la trouveras. Et tant qu'à casser quelque chose, je préfère casser du casseur. Avec délectation et sans remords. C'est mon petit vélo.
 

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