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Tueur.

Tueur.

 

 

 

J'aurais aimé être musicien. Musicien d'orchestre symphonique. Le sort a décidé de faire de moi un tueur. Je serai musicien dans une autre vie, si elle existe.


J'ai toujours donné l'apparence d'un tireur froid. On exécute l'ordre sans haine et sans passion. C'est le sentiment que j'ai toujours voulu donner, sans quoi on m'aurait catalogué comme "individu dangereux". Les psychos m'auraient décortiqué, or ce sont les psychos les malades. D'ailleurs plus il y a de psys, plus il y a de cinglés.


C'est arrivé, je veux dire ma conversion de la musique à l'assassinat, lors de la sortie du film de Mathieu Kassovitz : La haine. Sa haine du flic et de la société m'a collé la haine du voyou. C'est ainsi que depuis je dézingue du voyou. Sur ordre. Sans haine apparente.


Cette nuit, j'ai pris mon poste, celui que mes chefs m'ont assigné. Avec mon fusil et ma lunette bronzés. Nulle clarté ne s'y reflète. Et je reste également invisible. Tout étudié pour ça. Tout étudié des caractéristiques du tir, il n'y en aura qu'un. Si je fais bien mon boulot. Je tiens mes consignes de mes supérieurs, et j'exécute : c'est le rôle que je préfère. Tueur de malfrats. Chacun d'entre eux a eu le choix. Il a choisi. J'ai choisi, comme lui. Nous sommes a égalité. Lui, et moi. Il a choisi d'être là où il est, moi aussi.Si je reçois l'ordre de tir, je lui épargne le tribunal, l'avocat, la prison, l'appel, la cassation, et surtout de narguer les familles des victimes. 


Un type qui tient des otages et menace de les assassiner n'est pas un innocent. Celui que je tiens sous ma visée, le négociateur et le groupe d'assaut l'ont manoeuvré pour le mettre à ma disposition. Je ne faillirai pas. Les deux autres assassins - ils ont tué trois otages - sont du ressort de mes collègues.


Les malfrats sont bien entendu nerveux, anxieux, surtout le mien. Et encagoulés. Pour ce que ça va leur servir, avec un trou à la tempe.


Le mien partira en beauté. Car dès que je suis en poste, une musique prend possession de mes sens. Elle m'évite d'être parasité. Ce soir c'est un air de "Pêcheurs de perles", de Bizet. L'extrait de "Au fond du Temple Saint", que je me repasse en boucle. La voix des deux compères, Hvorostovsky le baryton, et du ténor Kauffman, emplit mon âme entière, et je dédie cette musique, en cet instant, à celui qui va mourir, puisse-t-il m'entendre et relâcher ses otages. 


Je ne suis plus que musique, et index sur la queue de détente. Entends-moi, et libère tes otages. C'est le dernier message que je t'envoie. Si tu t'agitais moins, tu entendrais. Mais tu te crois intouchable car tu détiens la télécommande de l'explosif. Comme tu voudras : là où je vais te toucher, tu n'auras même pas de réflexe, il sera coupé net, et il me faut moins d'une demie-seconde pour te fixer, malgré ton agitation. Ecoute ma musique, écoute : "...son voile se soulève... et la foule est à genoux...". C'est grandiose. Ecoute, bougre de con.
Après mon coup de feu, ma musique s'éteindra, et ta vie avec.


L'ordre est tombé. Salut l'ami.

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L'humour est la respiration du sérieux, 

il signe notre supériorité sur la pesanteur du réel. (Trouvé dans le caniveau).

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