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Merles.

Merles.   Extrait de    http://avistodenas.over-blog.com/


Je vais vous entretenir aujourd'hui du merle qui habite à la même adresse que moi. En fait, ils sont toute une bande. Il doit y avoir un chef qui fait de la sous-location. Ou alors il est polygame. N'empêche, il se la coule douce, sans payer de taxe d'habitation. Enfin, il la paie sans doute à sa manière, en nature : il chante dans les allées. Tirlotuuuu ! C'est ça qu'il chante, le merle. Je retranscris phonétiquement bien sûr mais avec une fidélité scrupuleuse. Tirlotuuu ! Sans les notes bien entendu. Figurez-vous que je suis au courant, quand même. Lorsque je m'assieds sur mon banc, au printemps, on n'entend que lui dans la ramée, le silence bucolique. Il est le roi, sauf lorsque se pointe une pie ou un geai. Il a dû se passer des embrouilles entre eux autrefois, et depuis, le merle se fait discret. Mais lorsqu'il est seul en son domaine, alors là ça vocalise à pleins pistons. Remarquez, il se nourrit, aussi : Il retourne les feuilles, d'un mouvement énergique du jabot, et vous le verriez mon vieux, il plante son bec dans la terre meuble et gourmande de toutes ses forces, de tout son élan, pire qu'un pivert. Et de temps en temps, çà tombe pile sur un lombric et là il tire, il tire, tant qu'il peut, arc-bouté sue ses patounettes jusqu'à l'obliger à sortir tout entier. Ah c'est quelque chose à voir ! Mais avant d'aller au casse-croûte, il chante. Et oui, chez les oiseaux, enfin chez le merle en tous cas, on commence par chanter, first, et vers 9 heures, au casse-croûte. Et quand on mange, on arrête de chanter. Des fois que ça passerait par le trou à vocalises. Vous imaginez un peu, s'il fait les deux à la fois, le merle :
Arrgouhfgouftotuituuu...keuf keuf.
Donc un temps pour chaque chose. Oh je les ai bien observés, les merles. Mais bon, je ne suis pas venu écrire "Le merle : sa vie, son oeuvre".
C'est juste que le merle a des trucs intéressants à dire. Phonétiquement parlant. Après, le sens exact de ses trilles...le contenu sémantique...
Par exemple, lorsqu'il est bien tranquille, qu'il a tout son temps, et qu'il se sent poète, il vous balance :
"Tirlotuuu...Tirlotuuuu...Tarlapipuuuu...Pino Pino Pinocu !"
Evidemment, sans les notes, c'est moins expressif. Et ça, c'est son expression favorite. C'est ce qu'il chante neuf fois sur dix. Cà doit bien lui plaire, ce couplet. Et plus fort encore, ils se l'apprennent les uns les autres. Cela passe de génération en génération. C'est ce qu'on appelle la transmission orale. J'ai dans l'idée, moi, qu'il veut signaler sa présence aux femelles du coin. Ecoutez, c'est pas idiot, comme interprétation : c'est le printemps, période de nidation et de reproduction. Que voulez-vous que j'en déduise d'autre?
Il a même une autre formulation à son répertoire, mais qu'il n'utilise qu'en cas d'urgence. Ou lorsqu'il ne se sent pas tranquille. Ou lorsque les pies sont trop nombreuses à bavasser. Alors là, il annonce direct :
"Pinocu toc toc six à huit ?"
Dommage que je ne puisse vous mettre les notes avec. Sans les notes cela ressemble à un rendez-vous sms. Un peu direct mais que voulez-vous, chez les merles, on ne fait pas d'effets de gourmette.
Alors quelquefois, négligemment, j'essaie d'engager une conversation. Avec la voix humaine çà ne donne rien. Le merle se tient sur une prudente réserve. Il doit se dire : Tiens, un prédateur, n'attirons pas les femelles. Donc, j'engage la conversation avec un sifflet spécial, type appeau, constitué d'un morceau de bois creux, spécial lui aussi j'imagine, dans lequel on fait pivoter à la main un autre bout de bois d'une autre spécialité et qui produit un son flûté, que l'on peut moduler selon la vitesse de rotation et la pression exercée. Si, si, c'est très sérieux. On arrive ainsi à imiter un je ne sais trop quoi, mais ça doit se situer dans les longueurs d'onde émises par les piafs, en général. Donc, j'envoie ma tirade. Fiouou...lali..tchactchac...fiololo...fiololo...
Le temps qu'il comprenne, parce que je suppose également qu'il doit faire la traduction, et il répond...un genre de Tirlotu. Peut-être que cela veut dire : Kestufoulatoi. Moi : Fififioulati... ? Réponse : "Et celle-là tu la veux" ? Irascible le mec ! Apparemment il ne faut pas le perturber avec les femelles. Remarquez bien que je traduis d'après l'intonation qu'il emploie. Je ne suis pas spécialiste. Mais je n'ai pas renoncé à voir un jour merles et merlettes danser le Tirlotu.
Lorsque je sors avec mon sifflet, mon épouse : "Tu vas où ? - Estifiouler les oiseaux". Haussement d'épaules miséricordieux. Elle a autre chose à faire que d'estifiouler les piafs. Et je vais m'asseoir sur mon banc. Au bout d'un moment elle sort : "Eh ben dis donc, vous en faites un raffût ! Tu vas finir par les  faire disputer !". C'est vrai que parfois, on ne s'entend plus, lorsqu'ils se mettent à me répondre de tous les coins. On ne m'enlèvera pas de l'idée que les piafs, c'est tous des obsédés sexuels. Pas comme moi.

 

L'humour est la respiration du sérieux, 

il signe notre supériorité sur la pesanteur du réel. (Trouvé dans le caniveau).

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